MOOSE

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Les Moose (sing. Mooga ou Moaga) ou Mossi sont les habitants d’une région du Burkina Faso appelée Moogo, qui a une superficie de 63 500 kilomètres carrés et correspond au bassin de la Volta Blanche. Au nombre approximatif de 4 700 000 en 1993, les Moose représentent environ la moitié de la population burkinabé; on estime qu’il y en a un demi-million à l’extérieur du Burkina Faso, principalement en Côte-d’Ivoire et au Ghana. Pays essentiellement rural, le Moogo compte quatre centres urbains: Ouagadougou (Wogodogo), capitale du Burkina Faso (442 000 hab., d’après les chiffres de 1985), Koudougou (52 000), Ouahigouya (39 000) et Kaya (26 000). Les Moose parlent le moore, langue du groupe linguistique «voltaïque» ou «gur». Vers 1970, on considérait encore que 75 p. 100 des Moose demeuraient fidèles à leur religion traditionnelle, la proportion des musulmans avoisinant 20 p. 100, celle des chrétiens (catholiques) atteignant 5 p. 100, ce qui n’empêchait pas ces derniers d’occuper une place prépondérante dans l’administration et l’armée; il semble, en fait, qu’au cours de la décennie soixante-dix, l’islam soit devenu la première religion des Moose.

Le Moogo est d’abord une région historique. C’est le territoire dominé politiquement par les Moose, cet ethnonyme étant entendu en son sens strict: les Moose sont les descendants des conquérants venus du Sud qui, dans la seconde moitié du XVe siècle, ont imposé leur pouvoir – de type monarchique – à des populations autochtones d’agriculteurs sédentaires sans organisation politique centralisée.

L’histoire du Moogo

On a longtemps considéré que les Moose du bassin de la Volta Blanche se confondaient avec des cavaliers pillards apparus à partir du XIIIe siècle dans l’intérieur de la boucle du Niger et désignés sous le nom de «Mosi» dans deux chroniques de Tombouctou en langue arabe: le Tarikh el-fettach (XVIe et XVIIe s.) et le Tarikh es-Soudan (XVIIe s.). Cette confusion a eu pour effet d’allonger considérablement la chronologie hypothétique de l’histoire des royaumes moose. D’après l’état actuel de nos connaissances, l’autonomie de l’histoire des Moose du bassin de la Volta blanche paraît entière.

Vers le milieu du XVe siècle, alors que les royaumes du Gulma, à l’est, existent sans doute déjà, des cavaliers, après avoir traversé le Gulma, s’établissent chez les Kusasi (aux actuels confins du Ghana et du Burkina Faso) et y jettent les bases d’une formation politique à pouvoir centralisé, le royaume mamprusi, dont naîtront directement des royaumes dagomba et nanumba (Ghana). Les Moose font partir leur histoire de la geste d’une princesse appelée Yenenga, fille aînée d’un roi dagomba de Gambaga appelé Nedega (Gambaga est en fait une localité mamprusi). Bien que le nom de Nedega n’apparaisse pas plus dans la liste des rois mamprusi que dans celle des rois dagomba, on considère aujourd’hui que le Nedega des traditions moose pourrait ne faire qu’un avec le fondateur de la dynastie mamprusi, Na Bawa, que les Dagomba appellent Na Gbewa (na : «chef»; en moore: naaba ).

Yenenga conduisait les guerriers de son père. Au retour d’une expédition militaire, son cheval s’emballa, s’enfonça dans une forêt et s’arrêta dans une clairière où un chasseur d’éléphants avait établi son campement. La princesse devint la compagne du chasseur; elle donna naissance à un garçon que les Moose appellent Naaba Wedraogo (wedraogo : «étalon») et qui fait figure de premier personnage de l’histoire moose; l’entière descendance en ligne agnatique de Naaba Wedraogo forme ce que les Moose nomment le Moos buudu , le «peuple des Moose».

Après le mythe, l’histoire. Dans la seconde moitié du XVe siècle, la conquête moose n’a certainenemt pas revêtu la forme d’un déferlement de cavaliers fondant sur de paisibles agriculteurs; elle a plutôt procédé par de lentes infiltrations, au long d’un siècle au moins, dans une contrée inconnue dont les habitants surent résister aux envahisseurs. Les Moose ont une technologie militaire supérieure à celle des autochtones; ils véhiculent une idéologie du pouvoir (naam ) et sont vraisemblablement monothéistes (leur divinité, dont procède le naam , est appelée Naaba Wende).

Dès la génération des fils de Naaba Wedraogo apparaît cependant un véritable conquérant, Naaba Rawa, fondateur du Rawatenga, vaste formation politique dont l’organisation est sans doute encore très lâche. À partir de la fin du XVe siècle, la descendance de Naaba Rawa va être supplantée par une branche dynastique issue d’un autre fils de Naaba Wedraogo. Naaba Wubri, qui appartient à la troisième génération du Moos buudu , fonde (par convention, en 1495) le Wubritenga, sorte de royaume-souche, qui va être à l’origine de toutes les futures formations politiques moose. Du Wubritenga va d’abord naître, en continuité directe, le royaume de Wogodogo, du nom de sa dernière capitale, l’actuelle Ouagadougou, dont les souverains portent le titre de Moogo Naaba («chef du Moogo»), rappel d’un pouvoir qui a initialement concerné l’ensemble du territoire moose.

L’histoire du Moogo aux XVIe et XVIIe siècles est très mal connue. Le milieu du XVIe siècle est marqué par la fondation du Yatenga (date conventionnelle: 1540), dans le nord-ouest du Moogo, à la suite de la sécession d’un petit-fils de Naaba Wubri, Naaba Yadega. À la même époque, les Moose tentent en vain de conquérir la région occidentale comprise entre la Volta rouge et la Volta noire. À la fin du XVIe siècle, c’en est fini de la période des conquêtes. En dépit d’incessantes crises de succession et de rivalités entre royaumes, le Moogo va vivre en paix pendant deux siècles. Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, la puissance moose est à son apogée: le développement de l’appareil d’État entraîne une centralisation accrue du pouvoir; le Moogo, dont les routes sont sûres, sert de cadre à un essor remarquable du commerce caravanier du sel saharien et des noix de kola des régions forestières du sud; sauf à l’est (Gulma), les Moose contrôlent les zones frontalières. Au XIXe siècle, le Moogo doit faire face à de graves périls d’origine extérieure; ainsi, dans la première moitié de ce siècle, le Yatenga doit contenir les visées hégémoniques de l’État théocratique fulbe (peul) du Masina; la fin du siècle, avec la conquête française (1895-1896), voit définitivement mourir le mythe de l’invincibilité moose. Pendant la période coloniale, le Moogo sera intégré au territoire de la Haute-Volta (Afrique-Occidentale française), qui deviendra un État indépendant en 1960.

Vie économique et sociale

Les Moose sont des agriculteurs du mil, principale production vivrière et base de l’alimentation quotidienne, les autres plantes cultivées à usage alimentaire étant le maïs, le haricot, le pois de terre et l’arachide. Parmi les produits de cueillette, le plus important est la noix du karité, principale source de matières grasses. Les Moose cultivaient le coton (la variété ancienne a disparu au profit de celle qu’ont introduite les Français). Le tissage et la teinture à l’indigo étaient des activités complémentaires du commerce à longue distance, les Yarse – commerçants musulmans d’origine sarakole (Mali) – utilisant les bandes de tissu de coton comme fret de caravane. Le Moogo comptait peu de gros marchés, mais certaines places, comme Pwitenga, près de Kuupela (Koupéla) dans le sud-est du pays, avaient une importance internationale. Le Yatenga produisait du fer; les forgerons locaux le transformaient en instruments aratoires et en armes dont une partie était exportée vers le Moogo central, pauvre en minerai. On élevait dans le Moogo septentrional une race de chevaux de qualité.

L’organisation sociale des Moose a pour fondement le buudu : on désigne par ce terme tout groupe de descendance patrilinéaire dès lors qu’il ne se réduit pas à une seule unité locale et, plus communément, le patrilignage exogame, qui intervient comme unité familiale étendue dans la négociation des alliances. Le buudu du système matrimonial est subdivisé en un nombre généralement peu élevé d’unités locales appelées saka quartier»); à son tour, le saka est subdivisé en familles étendues ou yiiri. Aujourd’hui, la famille de type yiiri a cédé la place à une unité familiale de taille plus restreinte, le zaka , qui tend de plus en plus à se confondre avec le ménage polygynique (un homme, ses femmes, leurs enfants non mariés). Les modalités d’établissement des alliances sont régies par une très large exogamie qui, pour un individu donné, s’étend aux patrilignages de ses quatre grands-parents. La résidence est patrivirilocale: une femme mariée vit avec son mari dans la famille de celui-ci, éventuellement sous l’autorité du père ou d’un frère aîné du mari.

Le village (tenga ) est un regroupement de quartiers; le village est plurilignager, le patrilignage plurivillageois. Tout village relève d’une unité de maîtrise de la terre et d’une unité de commandement qui peuvent coïncider; tout village a en général un chef (naaba ), détenteur de l’autorité politique, et un maître de la terre (tengsoba ), détenteur de l’autorité spirituelle et rituelle liée à la terre (tenga ); le chef est un Moose; le maître de la terre est en principe d’origine autochtone.

Le système politique

Pour rendre compte du système politique moose, nous prendrons l’exemple du Yatenga. Le royaume fondé par Naaba Yadega étant né bien après l’époque des premières conquêtes et s’étant développé au détriment de formations politiques plus anciennes, on y trouve plusieurs groupes de descendance dynastiques, dont le dernier et le plus important numériquement est issu du fondateur de la dynastie en place. À l’intérieur du groupe de descendance issu de Naaba Yadega se différencie un patrilignage royal, qui regroupe les descendants des aînés des cinq dernières générations de rois. Les membres du patrilignage royal s’appellent eux-mêmes nakombse , d’un terme qui a le sens général de «descendants de chefs» (sous-entendu: qui ne sont pas devenus chefs eux-mêmes) et peut donc, formellement, servir à désigner tous les descendants de Naaba Wedraogo, mais qui revêt ici une signification politique spécifique: du point de vue du pouvoir royal, seuls sont des nakombse les membres du patrilignage royal; les autres Moose sont des talse , des gens du commun, et seuls les nakombse reçoivent du roi des commandements villageois. Une partie des villages du royaume relève donc d’un pouvoir local détenu par des dynasties de chefs généalogiquement peu profondes, puisque, en principe, lorsque la plus ancienne génération de nakombse quitte le patrilignage royal pour être versée dans le monde des talse , ceux de ses représentants qui détiennent des commandements locaux sont contraints de les abandonner. À côté des chefs nakombse , qui ne sont que faiblement dynastisés, on trouve des chefs locaux qui, au contraire des premiers, appartiennent à des dynasties locales qui sont souvent de souche très anciennes, puisque la plupart d’entre elles tirent leur origine des formations politiques qui étaient en place dans la région avant la fondation du Yatenga. On réserve à ces chefs le nom de tãsobnamba , littéralement: «maîtres de la guerre», bien qu’il ne s’agisse pas, en général, de chefs militaires.

Le roi est issu du patrilignage royal et appartient par définition à la génération la plus récente du groupe de descendance des nakombse . Les Moose ne définissent pas un mode de transmission automatique du pouvoir royal. Deux règles générales sont posées: d’une part, il faut être fils de roi pour être candidat au trône; d’autre part, le pouvoir (royal ou non) passe toujours d’un aîné à un cadet. Pour ce qui concerne la première règle, elle est l’objet d’une application restrictive, du fait de la distinction entre la nomination du roi, qui fait de celui-ci un «chef» (naaba ) parmi d’autres, et ce qu’on pourrait appeler son sacre, qui transforme ce «chef» en «roi» (rima ). La règle effective est la suivante: il faut être fils de rima pour pouvoir devenir rima . Autrefois il n’était pas rare, en cas de crise dynastique notamment, qu’un roi seulement nommé ne parvienne pas à se faire sacrer, l’intronisation intervenant au terme d’un long périple que le nouveau souverain ne pouvait entreprendre que si le royaume était calme. En principe, à la mort d’un roi, tous les fils de rois (rima ) sont des candidats potentiels au trône; en fait, seuls les aînés des cohortes de frères fils d’un même roi fournissent les candidats effectifs. Le nouveau roi est choisi parmi ces candidats par un collège de quatre hauts dignitaires de la cour, les nesomba («hommes de bien»). À l’origine, les nesomba (trois Moose et un captif) étaient les chefs des quatre groupes de serviteurs royaux qui entourent le roi, chacun de ces groupes ayant sa vocation propre; à mesure que s’est développé l’appareil d’État, l’importance de ces chefs a crû, jusqu’à ce qu’ils deviennent, dans la première moitié du XVIIIe siècle, les quatre plus importants personnages du royaume, responsables non seulement de la gestion des affaires royales mais encore de l’administration du pays. Les serviteurs royaux ou «gens de la maison du roi» (nayiirdemba ) sont divisés en deux grands groupes: les gens de Moos 復, du nom de la moitié de la localité royale regroupant les serviteurs moose, et les gens de Bingo, du nom de l’autre moitié, celle des captifs. Les gens de Bingo sont des descendants de captifs razziés ou faits prisonniers à la guerre. Les gens de Moos 復 sont en général issus des vieilles familles moose qui fournissent les maîtres de la guerre, mais l’on trouve aussi parmi eux des autochtones ou «gens de la terre». Gens de la maison du roi, maîtres de la guerre et nakombse constituent les trois «ordres» de détenteurs potentiels du pouvoir à l’intérieur du monde moose. Au début de chaque année (vers le solstice d’hiver), à l’occasion des cérémonies de la «salutation au roi» (napusum ), les trois ordres de dignitaires du royaume renouvellent le pacte de soumission au roi qui a été conclu au moment de son accession au trône.

On voit s’esquisser la logique fondamentale du système. Le roi, issu de l’univers des nakombse , est isolé d’eux par les serviteurs royaux et, en un sens, avec les nesomba , il gouverne «contre» l’aristocratie royale, en s’appuyant sur le personnel de la cour et sur les maîtres de la guerre, que rapprochent souvent des liens familiaux étroits et, toujours, une égale défiance à l’encontre des membres du lignage royal.

La société moose aujourd’hui

Si le système politique moose a survécu, dans une certaine mesure, à la conquête française et si les chefs sont toujours en place aujourd’hui, c’est que les colonisateurs ont choisi de faire de la chefferie l’auxiliaire de l’administration. En 1932, le territoire de la Haute-Volta fut supprimé; après sa reconstitution, en 1947, l’éveil politique voltaïque se manifesta notamment par une campagne des anciens combattants contre les chefs. En 1953, la hiérarchie moose fonda le Syndicat des chefs coutumiers de Haute-Volta qui, pour défendre les prérogatives de la chefferie, va s’efforcer d’en donner une image moderne et de faire oublier ses complaisances à l’égard des Français. Le régime de Maurice Yaméogo (1960-1966) limite le pouvoir des chefs, interdit les salutations traditionnelles et entend remplacer le mode ancien de désignation des chefs par une élection. Ces mesures, quand elles ont été suivies d’effet, le succès de l’islam, les départs de colons moose vers l’Ouest voltaïque ont, certes, affaibli la chefferie moose, mais sans que la légitimité de son existence ait été véritablement mise en cause. La hiérarchie moose demeure aujourd’hui encore le seul trait d’union entre les paysans et une administration au sein de laquelle les fonctionnaires issus de familles de chefs moose sont nombreux.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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